Une mission bien spéciale... [PV Mary Tempête]

Tapottant du bout des doigts sur son bureau vernis, Beckett réfléchissait. La petite veine gonflée sur sa tempe ne mentait pas, il était même plongé dans une instense reflexion.

- Mercer, allez me chercher Miss Tempête. Mais je vous serai gré de ne pas la brusquer.

Un peu intrigué, l'homme de main acquiesca sans bruit et sortit du bureau.

Un fin sourire ironique passa imperceptiblement sur les lèvres de la jeune femme.Le mercenaire n'eut même pas à ouvrir la bouche,elle lui emboîta le pas sans discuter,lui évitant ainsi de bonne grâce la torture de lui adresser la parole.
Mary était étonnement calme.Ni sûre d'elle,ni arrogante.Juste placide,apaisée par sa force intérieure,son seul rempart face à son patron.Le bruit de ses bottes résonnaient sur les pierres froides des couloirs traversés sans y faire attention,par habitude.
Après cette marche silencieuse et deux coups légers frappés avec une sage conviction,l'espionne entra dans le bureau,maîtresse d'elle-même.

-Vous m'avez faite demander,Milord ?

Son sourire n'avait pas disparut,elle restait humble mais n'arrivait cependant pas à baisser les yeux.

Le Lord la regarda, perdu un instant dans ses pensées. Puis un petit sourire commença à poindre à la commissure de ses levres.

- Effectivement, et je suis fort aise de constater que vous avez le sens de la ponctualité.

Il se redressa sur sa grande chaise et posa ses mains jointes sur le bureau.

- La compagnie et moi-même sommes heureux de voir que votre intégration en notre camp n'a pas prit trop de temps, dit-il posément. En effet, vous avez des facultés d'adaptation assez interessantes...

Il inclina legerement la tête en avant sans lâcher des yeux la jeune femme, un sourire calculateur sur les levres.

Mary lui répondit par un regard malicieux.Comme si elle pensait qu'il ne se doutait de rien....On ne cachait rien au Lord,elle le savait,mais la jeune femme s'en fichait totalement,indifférente aux piques qui tomberaient.

-Je vous remercie,monsieur.Il est vrai que pour survivre,il vaut mieux s'adapter à son milieu...Ou mourir.Disons simplement que j'ai fait le bon choix.

La jeune femme se méfiait de son patron,connaissant parfaitement ses talents de manipulateur.Si elle avait été appelée,il y avait forcément une raison,et pas forcément de bonne augure pour elle.Mais d'un autre côté,elle était curieuse de connaître le fin mot de tout cela....

-Mais je ne vous ferai pas perdre plus de temps que nécessaire.Que puis-je faire pour vous ?

Beckett eut un petit rire, puis il recula sa chaise et se leva, passa près de Mary, derriere elle, ne la lâchant pas du regard comme s'il s'agissait d'un interogatoire, pour enfin aller se planter face à la grande carte qui couvrait tout un mur du bureau.
Il regarda d'un air absent les espaces blancs, et cette fichu zone au sud qui portait sobrement les mots "TERRA INCOGNITA".

- Vous savez manier les mots à votre avantage... Dit-il. C'est une qualité, certes, mais méfiez-vous. Cela pourrait vous mener à votre perte.

Il leva sa main entourée de dentelles, et passa délicatement son pouce sur les mots marquant la zone inconnue.
Puis soudain, sa main cessa tout mouvement.

- Je veux que vous me rameniez le Black Pearl. Dit-il sombrement, d'un ton autoritaire. Je veux vous voir hisser le drapeau de la EITC sur son mât d'Artimont.

Il se retourna et la considéra avec insistance, un visage totalement flegmatique.

- Ceci est une sorte de mise à l'épreuve. De deux choses l'une. Soit vous acceptez votre mission et faites votre possible pour la mener à bien, en quel cas vous me verrez enclin à accepter de vous fournir une dérogation. Soit vous refusez, ou vous cherchez à la contourner, et je vous condamne en tribunal militaire, vous et votre cher ami, à une éternité de travaux forcés dans les mines d'argent du nouveau-monde.

Comment résister face à une menace si bien tournée ? C'est comme un bon verre de vin ou un morceau de musique classique,on ne peut refuser.Mais ce navire de légende représentait un fameux défi ! Mary ne fut pas longue à faire son choix.Le jeu en valait vraiment la chandelle,même si elle risquait de s'y brûler.

-Soit,vous aurez le Pearl.Cependant...

Son pas détaché la mena devant la fenêtre la plus proche du Lord.Regardant au dehors,un plan prenait forme dans son esprit.

-Cette opération nécessite une totale carte blanche.J'y tiens,mes méthodes étant...Peu orthodoxes.

Mais après tout,dans une mission aussi peu habituelle,cela pouvait être pardonné...Surtout si le résultat était satisfaisant.
La jeune femme se retourna vers le Lord,le regard interrogateur.

-J'immagine que l'un de vos hommes sera chargé de surveiller mes moindres faits et gestes...

- Bien... J'aime vous entendre dire cela.

Il se planta devant elle et leva un sourcil avec un sourire.

- Vous avez carte blanche, et ma parole qu'aucun de mes hommes ne vous suivra. Méfiez vous tout de même, je possède un moyen de pression influent. Et...

Il s'approcha d'elle et murmura à son oreille d'un ton douceureux et mysterieux à la fois.

- Vous ne pourrez pas vous enfuir... Nous vous retrouverons où que vous alliez... Et nous possédons un moyen de pression conséquent.

Une vague de répulsion sussura à l'espionne de mettre de la distance entre son patron et elle,comme un chat horripilé par l'eau trop proche.Mais elle se refusait à reculer devant lui.Jamais elle ne courberait l'échine face au Lord !
Trouvant la force de le regarder droit dans les yeux,Mary répliqua,indifférente :

-C'est bien pour cela que j'ai accepter votre offre.Je sais très bien jusqu'où vous êtes près à aller pour ce navire et son capitaine.Je ne jouerai pas le jeu dangereux de vous mettre des bâtons dans les roues.

Si jamais il avait le malheur de faire du mal à l'Amiral en son absence....Non,il fallait rester calme,rétablir un empire sur soi-même et ne pas céder à la tentation de la colère.Beckett ne lui faisait pas peur,inutile de le provoquer.

-De toute manière,je n'ai nul part où aller.Ma vie est désormais içi;je sais bien que cela vous coûte,mais faîtes-moi confiance.Vous ne serez pas déçu,monsieur.

- Je n'ai pas à vous faire confiance, Miss Tempête. Ce serait plutôt à vous de me faire confiance pour prendre les mesures necessaires si le besoin s'en fait ressentir... susurra-t-il.

Puis il se retourna et se rassit derrière son bureau, les bras croisés.

- Vous n'avez qu'a me le faire savoir si vous avez besoin d'un quelconque équipement.

-Votre parole qu'aucun mal ne sera fait à l'Amiral en mon absence et que nos engagements seront respectés me suffit amplement,merçi.

Avait-elle mis la main dans un engenage qui ne connaitrait aucune fin ? Avait-elle compromis un avenir un peu moins gris ? La décision était prise,tout retour en arrière était impensable.

-En y pensant,si.Un drapeau de la Compagnie des Indes afin d'en parer la mât d'artimont selon votre souhait.

Qu'elle n'ait pas à "l'emprunter" comme elle le ferait avec le Black Pearl....

- Cela va effectivement de soi qu'un drapeau vous sera remit. Dit Beckett d'un ton léger.

Il sourit d'un air satisfait en ajoutant

- Et vous avez ma parole qu'aucun mal ne sera fait à l'amiral en votre absence. Nos engagements seront assurément respectés et je m'y engage formellement.

Tout allait vraiment pour le mieux dans le meilleur des mondes. L'idée de poser ses mains délicates sur le bois usé du gouvernail du Black Pearl lui faisait des frissons dans le bas du dos. Il sourit encore, le regard perdu sur les mâts des bateaux amarrés sur le port, par la fenêtre.

Mary ne se sentait qu'à moitié rassurée par cette promesse.Après tout,ne fallait-il pas se méfier de l'eau qui dort ? Et le Lord était fort connu pour ses masques souriants qui cachaient un poignard près à frapper entre vos deux omoplates.
Elle haussa les épaules,le coeur embué d'une étrange impression de malaise.

-Bien,tout est dit.Sur ce,Milord,je me retire.

Sans un salut,elle tourna les talons.La porte se referma dans un silence de mort.Mais Mary n'alla pas directement préparer son maigre bagage pour sa future expédition.Elle se glissa sans bruit dans la chambre de James.Ayant mis la main sur une feuille de papier et une plume,elle écrivit ses quelques mots :



Elle contempla un instant ces quelques lignes qu'elle aurait aimé rédiger avec amour durant des heures.Mais le temps la rappelait déjà à ses devoirs.L'espionne pressa la lettre contre ses lèvres,y déposant un doux baiser pourle destinataire du message.Et avec un pincement au coeur,Mary déposa le billet sous un oreiller du lit à baldaquin,priant pour que Norrington le trouve.
Une seconde porte se referma sur la jeune femme,mais déjà son esprit fonctionnait à plein régime pour terminer cette rude tâche le plus tôt possible.